Citoyenneté réservée

 In Actus

Jeudi 21 janvier se tenait le premier séminaire de la Réserve Citoyenne pour l’Académie Nancy-Metz. L’occasion de donner enfin corps à un fantôme…

crédits photo : education-gouv.fr

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C’est du moins ce que je croyais lorsque je reçus un appel me demandant si, en tant qu’inscrit à la réserve citoyenne, je comptais venir à la salle d’honneur de l’Université de Lorraine pour prendre part à ce séminaire. En répondant par l’affirmative, j’espérais pouvoir enfin voir un peu à quoi rimait concrètement cette réserve citoyenne à laquelle je m’étais inscrit en mai 2014. Depuis en effet, rien : une fois ma candidature validée, plus aucune nouvelle, ni demande de mobilisation.

Pour rappel la Réserve Citoyenne a (apparemment) pour principe de proposer à des bénévoles la possibilité d’interagir avec le corps enseignant auprès des jeunes pour les sensibiliser à la laïcité, la citoyenneté, le respect, la mémoire et enfin l’usage des médias. Bref, jusqu’ici, je ne suis qu’une statistique perdue parmi tant d’autres quelque part sur l’écran d’un fonctionnaire. Tel un soldat qui ronge son frein, je pars à ce séminaire la fleur à mon fusil citoyen, persuadé d’y rencontrer des tas de jeunes camarades tout aussi motivés que moi pour foutre enfin un coup de pied dans la fourmilière.

Raté, encore. Je me retrouve au milieu d’un parterre de personnes plus ou moins âgées, mais très rarement jeunes. Je me dis que je me suis trompé de salle, que les jeunes réservistes n’étaient en fait pas invités et que ces gens autour de moi étaient des professionnels de l’éducation nationale venus s’informer sur ce nouveau dispositif (que la plupart d’entre eux semblent toujours ignorer près d’un an après sa création.) Non, ce sont, comme moi, des réservistes.

J’écoute – en essayant de rassembler tout mon courage – l’inspecteur de l’académie qui essaye tant bien que mal de nous vendre le projet et de nous expliquer qu’il va falloir être encore un peu patient. Pourtant il rappelle lui-même que ce dispositif a été imaginé pour répondre à l’obscurantisme et la radicalisation qui nous rongent et qui eux n’attendent pas.

Pendant la séance de question ouverte, je lui fais part de mon désarroi, rappelant bien sûr que je ne tiens en rien à manquer de respect à mes aînés dont j’apprécie tout à fait la compagnie (et qui surtout étaient en surnombre…). Il me répond en bon fonctionnaire et me balance un chiffre à la figure : 70 % des réservistes seraient des « jeunes ». J’en déduis que pour ce séminaire seuls les 30 % restants ont donc décidé de venir.

Puis, les discours et les questions s’égrainent, et je me dis que toute cette histoire, même si elle est pavée de bonnes intentions, commence à sentir mauvais. Plus précisément, elle commence à sentir la pommade, comme si elle n’était qu’un dispositif destiné à donner un os à ronger aux gens comme moi en mal d’engagement dans la situation que nous vivons. Sauf que moi, j’ai toujours préféré la viande à l’os, et que là j’ai vraiment les crocs.

Enfin, comme toujours, viens le moment fatal, le dernier clou du cercueil. Pour nous donner une illustration des quelques premières missions qui ont été lancées par des réservistes, l’inspecteur invite sur scène six d’entre eux… Peut être pas des « vieux », mais sûrement pas des jeunes. Pas un seul. Illustration criante de ce que j’essayais d’expliquer quelques minutes avant.  Des réservistes qui ont put réaliser leur mission grâce à leurs connaissances personnelles et à leur réseau. Sensibiliser les jeunes serait donc la mission exclusive des aînés. C’est bien la peine de créer une base de données d’individus mobilisables si la citoyenneté finit par devenir elle aussi réservée à certains et refusée à d’autres.

Bref, je suis du genre têtu, alors je laisse encore le bénéfice du doute à cette initiative qui a peut être juste besoin d’un bon coup de dégrippant. Engagez-vous, Rengagez-vous comme disait l’autre, en attendant, puisqu’on nous dit qu’on est en guerre, alors moi, je fais comme le français en 40 : j’attends…

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